Evo Morales jette l’éponge. Le président bolivien a démissionné dimanche, criant à l’injustice après trois semaines de protestations contre sa réélection à un quatrième mandat, tandis qu’une foule joyeuse célébrait la nouvelle dans les rues. « Je renonce à mon poste de président », a déclaré à la télévision le leader indigène de 60 ans, au pouvoir depuis 2006 et dont l’armée et la police venaient de réclamer le départ. « Le coup d’Etat a eu lieu », a ajouté, à ses côtés, le vice-président Alvaro Garcia Linera, qui a aussi démissionné.
Des centaines de Boliviens ont rempli dimanche la place Murillo à La Paz, face au palais présidentiel, pour fêter la démission d’Evo Morales, qui a dirigé le pays durant près de 14 ans. « Ceci est mon seul drapeau ! », criait un jeune manifestant portant un casque de chantier blanc et qui agitait l’étendard rouge, jaune et vert de la Bolivie. Pendant ce temps, la police retirait des bâtiments officiels, dont le Parlement, le Tribunal électoral et le commandement de la police, la Whiphala, le drapeau andin indigène multicolore qu’Evo Morales a introduit comme symbole national en 2009.
Morales dénonce un mandat d’arrêt
Dans la soirée, Evo Morales dénonce sur Twitter un coup d’État et annonce qu’un mandat d’arrêt a été émis à son encontre. « Je dénonce devant le monde et le peuple bolivien qu’un officier de police a annoncé publiquement qu’il a reçu instruction d’exécuter un mandat d’arrêt illégal émis contre ma personne », a écrit l’ancien dirigeant socialiste sur Twitter.
Denuncio ante el mundo y pueblo boliviano que un oficial de la policía anunció públicamente que tiene instrucción de ejecutar una orden de aprehensión ilegal en contra de mi persona; asimismo, grupos violentos asaltaron mi domicilio. Los golpistas destruyen el Estado de Derecho.
— Evo Morales Ayma (@evoespueblo) November 11, 2019
La police a déjà arrêté dimanche la présidente du Tribunal électoral de Bolivie sur ordre du parquet, qui enquête sur des irrégularités commises dans le scrutin d’octobre, a annoncé le commandant de la police, Vladimir Yuri Calderon. « Nous souhaitons annoncer que, grâce à un travail minutieux de la police bolivienne, il a été possible d’arrêter la présidente du Tribunal électoral, Maria Eugenia Choque », a déclaré le chef de la police lors d’une conférence de presse, quelques heures après la démission du président bolivien.
Dans les heures qui suivirent l’annonce, plusieurs pays d’Amérique latine ont apporté leur soutien à Evo Morales, le Mexique, qui lui propose l’asile, en tête. Le président mexicain a salué sur Twitter la réaction d’Evo Morales, qui a « préféré renoncer à exposer son peuple à la violence ». « Le Mexique, conformément à sa tradition d’asile et de non-intervention, a reçu 20 personnalités de l’exécutif et du législatif de Bolivie dans la résidence officielle (mexicaine, ndlr) à La Paz, et s’il en décidait ainsi, nous offririons aussi l’asile à Evo Morales », a également annoncé le ministre des Affaires étrangères Marcelo Ebrard.
Trois morts et 383 blessés
Accompagné par la foule, Luis Fernando Camacho, dirigeant le plus visible et radical de l’opposition, s’était rendu au siège du gouvernement à La Paz pour y remettre symboliquement une lettre de démission à signer par Evo Morales, ainsi qu’un exemplaire de la Bible. La crise politique s’était accélérée brutalement dimanche dans le pays andin, où grève générale et manifestations paralysent l’activité depuis une dizaine de jours, dans un climat de violence et d’affrontements entre les deux camps. En trois semaines, la vague de contestation a fait trois morts et 383 blessés.
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L’annonce dans la matinée par le président d’un nouveau scrutin, une option qu’il rejetait jusque-là, visait à « pacifier la Bolivie » mais n’a pas réussi à apporter le calme. L’armée a ordonné « des opérations militaires aériennes et terrestres pour neutraliser les groupes armés qui agissent en dehors de la loi », a indiqué le général Kaliman, en référence à des attaques violentes contre des bus de manifestants de l’opposition qui se rendaient à La Paz.
Cuba dénonce un « coup d’Etat violent et lâche »
L’ex-président bolivien Carlos Mesa, chef de l’opposition et candidat malheureux à la présidentielle du 20 octobre, a affirmé dimanche que les Boliviens ont « donné une leçon au monde ». « Nous avons donné une leçon au monde, demain la Bolivie sera un nouveau pays », a-t-il lancé à la presse, tandis que des milliers de Boliviens fêtaient dans la rue la démission du chef de l’Etat, au terme de trois semaines de manifestations.
Le président cubain Miguel Diaz-Canel a dénoncé dimanche le « coup d’Etat violent et lâche de la droite contre la démocratie en Bolivie ». Le chef de l’Etat a exprimé sa « condamnation énergique du coup d’Etat », dans un tweet, estimant que « le monde doit se mobiliser pour la vie et la liberté d’Evo », avec le hashtag #EvoNoEstasSolo (Evo, tu n’es pas seul). Cuba, allié traditionnel du dirigeant socialiste, exprime sa « solidarité avec le frère président Evo Morales, protagoniste et symbole de la revendication des peuples indigènes de nos Amériques », a également tweeté le ministre des Affaires étrangères Bruno Rodriguez.
Le président vénézuélien Nicolas Maduro a condamné « catégoriquement » dimanche le « coup d’Etat » en Bolivie. « Nous condamnons catégoriquement le coup d’Etat survenu contre le frère président Evo Morales », a-t-il écrit sur Twitter, appelant à « la mobilisation pour exiger que soit préservée la vie des peuples indigènes boliviens, victimes du racisme ». Dans la nuit, des manifestants cagoulés ont accupé l’ambassade du Venezuela en Bolivie.
Démission de ministres et d’élus
Visé par des manifestants qui ont incendié sa maison à Potosi (sud-ouest), le président de l’Assemblée nationale, Victor Borda, a démissionné, imité selon la télévision bolivienne par une dizaine de députés. Peu après, le ministre des Mines, César Navarro, a également renoncé à son poste, disant vouloir « préserver (sa) famille » après l’incendie de sa maison et l’agression de son neveu. « Le cours des événements va à l’encontre de mes principes personnels, ainsi que de mes valeurs spirituelles et démocratiques », a aussi écrit le ministre des Hydrocarbures, Luis Alberto Sanchez, dans sa lettre de démission publiée sur Twitter.
IZland BipBip & Source