C’est une photo qui en dit plus que tous les commentaires. Elle récemment fait la une des journaux. En pleine séance parlementaire, Angela Merkel baye aux corneilles tout en pianotant d’un air absent sur son iPhone. Passive, sans idées, au bout du rouleau… 65 ans d’âge et 14 ans au pouvoir, ça use.
Depuis le désastreux résultat de la CDU aux régionales en Thuringe dimanche dernier, les attaques contre la chancelière ont redoublé d’intensité. C’est la « méthode Merkel », cet attentisme prudent, cette tactique des petits pas, cette façon de faire le dos rond en attendant que passe l’orage et surtout de ne jamais prendre une décision intempestive… Tout cela exaspère la presse et les opposants de plus en plus virulents de la chancelière au sein même de son propre parti.
Lire aussi Allemagne : les conservateurs en pleine tempête
« On attend qu’elle dirige le pays »
Cette semaine, tous les vieux renards de la CDU qu’Angela Merkel élimina un à un sur son passage se sont réveillés pour l’attaquer. Il y a d’abord Roland Koch, ancien ministre-président de Hesse, qu’Angela Merkel écarta de la course à la chancellerie en 2002 pour lui faucher sa place. Roland Koch lui reproche aujourd’hui son « manque de courage et de vision politique ». Il y a aussi Friedrich Merz, qu’elle remplace la même année, après les élections fédérales, au poste de chef du groupe parlementaire conservateur au Bundestag. Friedrich Merz, chef de file du courant conservateur au sein de la CDU, ne le lui a jamais pardonné. Aujourd’hui, il y va franco : « On attend qu’elle dirige le pays. Ça ne peut pas continuer comme ça. » Et il y a Jens Spahn, ce jeune et très ambitieux ministre de la Santé qu’Angela Merkel a attiré dans son cabinet pour le mettre hors d’état de nuire. Il ne se prive pas pourtant de la critiquer indirectement : « La perte de confiance massive que connaît la CDU ne date pas d’il y a quelques mois. Cela fait des années que ça dure. » Tous les trois sont, ce n’est un secret pour personne, des candidats à la succession.
Et que fait Angela Merkel face à ces attaques virulentes ? Elle se tait. Obstinément. Pas de déclaration officielle, pas de petites phrases lancées à la presse dans un couloir entre deux réunions. Au contraire, elle vient de s’envoler pour un voyage officiel en Inde. Tout se passe, commente la presse, comme si elle fuyait son pays et tous les problèmes du moment pour ne se soucier que de la politique étrangère. « Je ne peux pas m’imaginer, dit Friedrich Merz, que cette façon de diriger l’Allemagne pourrait se poursuivre pendant deux ans encore. » Car telle est la vraie question : Angela Merkel a-t-elle encore assez de souffle, d’énergie et d’idées pour tenir dans une atmosphère pareille jusqu’aux prochaines élections régulières prévues à l’automne 2021 ?
Lire aussi Succession de Merkel : stupeur et tremblements en Allemagne
Une situation délicate
Il faut dire pour sa défense qu’Angela Merkel se trouve dans une situation extrêmement délicate. D’un côté, si elle prend position sur les débâcles à répétition de la CDU lors des dernières élections, elle risque de causer du tort à la présidente du parti Annegret Kramp-Karrenbauer qui est aussi sa dauphine favorite à la chancellerie. À la fin de l’année dernière, Angela Merkel a cédé à cette loyale alliée le poste de présidente de la CDU. À partir de là, chacun son rôle : Annegret Kramp-Karrenbauer s’occupe de la bonne marche du parti, Angela Merkel de celle du gouvernement. Or, si Annegret Kramp-Karrenbauer déjà très affaiblie est discréditée, Angela Merkel n’a prévu personne d’autre pour la remplacer. Le terrain serait donc laissé à Merz et autres rivaux.
Mais d’un autre côté, si elle continue de se taire sur des questions aussi essentielles que l’attitude à adopter face aux populistes d’extrême droite de l’AfD et à Die Linke, la gauche radicale, les Allemands risquent d’avoir l’impression que tout ce qui se passe dans son pays lui est égal et qu’elle se contente de garder les meubles jusqu’en 2021.
Lire aussi Allemagne : CDU-Die Linke, l’alliance de la carpe et du lapin ?
Il a fallu qu’un de ses jeunes lieutenants, Daniel Gunther, ministre-président du Schleswig-Holstein, vole à sa rescousse pour rappeler aux chrétiens-démocrates qu’Angela Merkel leur a permis de gagner les élections à quatre reprises. « Tout ceci, dit-il, n’est qu’un débat mené par des hommes vieillissants qui n’ont peut-être pas atteint de leur vivant les buts de carrière qu’ils s’étaient fixés. »
IZland BipBip & Source